Sujet: Un dîner presque parfait | Martina Dim 2 Déc - 23:48
C'était ce qu'on appelait une bonne journée de merde. Ça ne lui arrivait pas souvent, de cumuler autant de fails, mais la malchance semblait décidée à s'acharner sur lui aujourd'hui. Elle avait dû se lever de mauvais poil et, tandis que Gabriel essayait de se réveiller sous la douche, elle s'était dit : Ok, celui-là, c'est le pigeon du jour. Et paf ! plus d'eau chaude. Quand il avait voulu se réconforter avec un bol de céréales (oui, bon... chut) PAF ! plus de lait ! Quand la météo promettait un ciel dégagé et qu'il avait laissé son parapluie chez lui, paf ! une averse à l'arrêt du tram ! Quand il était monté voir Abel, paf ! plus d'ascenseur ! Heureusement qu'il ne lui avait rien confié d'important ce jour-là, Gabriel était capable de rater l'assassinat d'un aveugle sourd et muet dans une ruelle sombre et vide sur trois kilomètres. En faisant tomber son couteau. Tiens, d'ailleurs : quand il était rentré se changer pour le restaurant, paf ! perdu le couteau. Quand il avait enfin retrouvé son arme (qui se trouvait pour une obscure raison dans le micro-ondes), paf ! en retard ! Quand son supérieur avait gueulé, paf ! son poing dans sa figure ! ... enfin non, ça c'était dans sa tête. Mais quand le client le plus chiant était arrivé, paf ! ça avait été pour sa pomme. Et la course-poursuite pour attraper le tram, aussi. Gabriel détestait courir. Non, il haïssait ça. Mais ça aurait été moins drôle s'il était déjà champion du monde de la course au tram, n'est-ce pas. Il rentra chez lui trempé de la tête aux pieds, d'humeur maussade. Pour vous donner une idée, chaque merde qui lui était tombée dessus lui avait arraché une insulte en hongrois, et il avait refait tout le dictionnaire. Il faillit sourire, pourtant, en longeant l'allée qui menait à son immeuble. Situé dans un quartier plutôt calme, le coin était bourré de retraités ou de familles, et donc bordé de parcs et autres places de jeux pour enfants. Gabriel s'arrêtait souvent devant, juste pour regarder jouer les gosses. Parce que c'était marrant, un gosse, ça jouait avec tout et n'importe quoi. Tiens d'ailleurs, là il y en avait deux sous la pluie, qui sautaient dans les flaques. N'importe quoi. Il se demanda ce qu'ils imaginaient. Mais il ne traîna pas dans le coin, parce qu'il y en avait toujours un pour lui demander s'il était un de ces monsieurs en manteau qui proposait des bonbons. Sales gosses. Enfin, c'était surtout la faute des parents. Gabriel entra dans l'immeuble, prit l'ascenseur en s'attendant à chaque seconde à une panne qui ne vint pas, arriva au sixième, sortit ses clefs, ouvrit la porte. Referma derrière lui, enleva son manteau, ses gants et ses chaussures, mit des pantoufles (important, les pantoufles !) alluma la lumière et gratifia le voisin d'en face d'un hochement de tête poli. Ce dernier lui répondit par un regard noir avant de fermer ses rideaux. Normal, "le type d'en face avec le masque" était soupçonné d'être un espèce de détraqué pervers qui devait se balader à poil chez lui, en plus de donner des bonbons aux enfants. Gabriel avait presque envie de leur dire qu'ils avaient raison. Pour un quart des accusations. Mais comme il avait toujours entretenu des relations distantes mais respectueuses avec ses voisins (évidemment, personne n'osait l'emmerder), il se contentait de hausser les épaules avant de se diriger vers le seul être au monde à attendre chaque soir son retour avec impatience, j'ai nommé Alban le poisson rouge. Gabriel soupira en saupoudrant le bocal de nourriture pour poisson. Les voisins, il avait l'habitude. Les journées de merde, ça arrivait. Il allait se faire un bon plat de pâtes alla carbonara pour oublier en matant un film drôle et débile devant la télé. Avec des chips. Et du chocolat. Et une bière. Il s'en foutait, il faisait régulièrement du sport au travail.
Il prit un linge pour se sécher et, de retour dans la cuisine... dit comme ça, l’appartement semblait immense, alors que pas du tout. Bon. Ayant enjambé la distance qui séparait la salle de bains de la cuisine, Gabriel enfila un tablier, attrapa une casserole, la remplit d'eau, la posa sur le feu et attendit patiemment qu'elle arrive à ébullition. Parfois, il se rappelait comme ce simple geste pouvait devenir stressant quand on avait un chef derrière pour vous crier dessus, vous reprocher de vous tourner les pouces, et vous demander s'il pouvait vous en couper un puisque apparemment il ne vous servait à rien. Un vrai défi de tous les instants. Et pourtant, il avait vraiment aimé cet apprentissage de cuisinier. Ce genre de souvenirs avait même le don de le calmer. Parce qu'aujourd'hui, il n'y avait plus personne pour lui crier dessus. Aujourd'hui, son travail ne consistait plus à cuisiner des plats, mais des gens, ahah ! Ahem. Et pour ceux qui se poseraient la question, oui il avait ressorti la blague du pouce un jour. Mais vous ne voulez pas savoir la chute.
Sa journée de merde presque oubliée, Gabriel songeait d'avance au plat qu'il allait manger. Ok, la présentation serait banale et l'ambiance frôlerait le zéro, mais il pouvait encore rafler la moyenne grâce à ses talents de cuisinier. Et je ne vous parle même pas de son amour du ménage. Il serait bon à marier ! ... s'il n'était pas un espèce de détraqué pervers qui se baladait à poil et donnait des bonbons aux enfants, bien sûr. Gabriel sourit en pensant à ses voisins et ouvrit un placard pour prendre le sel. Grosse insulte en hongrois. Eh oui. "Paf, plus de sel." Il se retourna vers Alban le poisson pour lui décocher un long regard douloureux. Pourquoi Alban ? Pourquoi moi ?
« Ne me regarde pas comme ça, Al », marmonna-t-il en hongrois.
Oui, à haute voix il disait "Al", parce que ça ressemblait trop à un autre prénom. C'est toi qui me regarde, Gab, semblait dire le poisson de son regard de poisson. Pas bien expressif, donc, mais Gabriel avait une imagination débordante. Tu me regardes comme si j'allais te répondre, alors que je ne suis qu'un poisson, Gab. Achètes-toi un ami, Ga... Gabriel tourna le dos au bocal, enleva son tablier et le jeta au sol tel un Master Chef outré, avec toute la dignité qu'il lui restait après une douche froide, un bol de céréales sans lait, une averse, une panne d’ascenseur, un oubli inexplicable, un retard tout aussi peu explicable, un client exécrable, un tram raté et une eau bouillante inutilisable. Il aurait pu se faire un thé s'il n'avait pas déjà ajouté de l'huile. Ça lui aurait fait du bien, un thé. Ou un chocolat chaud. Avec un livre de blagues à Toto, sous la couette et dodo ! Rien de tel pour rompre le mauvais sort d'une bonne grosse journée de merde. Deux secondes plus tard, Gabriel se baissa pour récupérer son tablier, parce qu'il ne voulait pas le salir. Il n'avait passé la panosse* que la veille au soir, NON on ne rigolait pas avec la propreté chez Gabriel Varga. C'est pour ça qu'il n'a pas beaucoup d'amis, commenta la voix imaginaire d'Alban le poisson rouge.
« Silence. »
Au même moment, la sonnette retentit. Gabriel, à présent penché sur le sol pour vérifier qu'il n'était pas sale dans une position à mi-chemin entre le quatre pattes et la figure du chien tête en bas en yoga (oui, c'est très sexy) se redressa vivement en se demandant qui pouvait bien le déranger à cette heure, enfin, qui pouvait bien le déranger tout court. Il avait bien pensé à sonner chez les voisins pour demander du sel, mais... ils ne pouvaient pas être plus rapides que lui. Heureusement qu'il y avait son masque, l'expression à la fois paumée et ahurie qui s'afficha sur son visage lorsqu'il ouvrit n'était pas des plus flatteuses.
« Martina ? Qu'est-ce que tu fais ici ? » salua-t-il un peu abruptement.
L'accent à couper au couteau est en option. Il la gratifia d'un looong regard de haut en bas (heureusement invisible) qui en disait long sur l'étonnement que lui inspirait sa présence, et sur sa façon très légère de s'habiller. Il hésitait à la laisser entrer, non pas parce que ce dernier point le gênait ('fallait pas déconner) mais parce qu'il appréciait moyennement qu'elle se pointe chez lui alors qu'il faisait des efforts pour rattraper leur première rencontre en ne... bah... en évitant de se faire embobiner par ses trucs de fausses voyantes. Depuis qu'elle avait réussi, ce jour-là, à lui soutirer de l'argent (il ne savait même pas comment !) il s'était promis de ne plus jamais jamais jamaiiis se laisser piéger. Ce qui ne l'empêchait pas de revenir la voir dans sa boutique pour "essayer de se faire rembourser". Officiellement.
« Je savais même pas que tu savais où j'habitais » ajouta-t-il bêtement.
Sûrement qu'il le lui avait dit sans s'en rendre compte. Il leur arrivait de taper la discut' autour du comptoir, Martina devant et Gabriel derrière (je parle du comptoir, bien sûr) sans pour autant qu'elle essaye de le pigeonner à chaque fois. Ou alors, il ne s'en rendait pas toujours compte. Enfin, sa vigilance était toujours au level maximum et, même s'il appréciait passer du temps avec elle, il se demandait vraiment ce qui l'attirait chez lui à part son porte-monnaie. D'où sa méfiance quant à la laisser entrer chez lui, dans son chez-soi, son home sweet home, bref son... son intimité, quoi. Oui, c'était important. Après tout, ils ne se connaissaient pas tant que ça. Gabriel était très à cheval sur ces choses-là.
Non je déconne, il avait juste peur qu'elle se casse avec sa tirelire.
Ceci dit, il songeait à l'air horrifié qu'afficheraient les voisins d'en face s'ils la voyaient, et cette seule perspective suffit à lui ouvrir plus largement la porte. Peut-être que la journée de merde avait l'intention de se rattraper ?
Ou pas. On verra. .................................... * P A N O S S E : n.f. (Suisse romande, Savoie, Val d’Aoste, Est de la France) Serpillière. (Figuré) Drapeau suisse (Jargon militaire). (Figuré) Femme de mauvaise vie.
Gabriel Varga
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Sujet: Re: Un dîner presque parfait | Martina Lun 3 Déc - 13:54
Un dîner presque parfait.
Se lever le matin avait toujours été une épreuve difficile pour Martina. Non pas qu’elle soit particulièrement adepte de la grasse matinée, non, mais plutôt que la demoiselle était du genre très flemmarde. Qu’importe l’occasion, il y avait toujours lieu de flemmarder un peu au lieu de se bouger. Et franchement, il n’y avait que très peu de choses qui la poussaient à faire exception à cette règle qui s’était imposée d’elle-même à sa personne. Et lesdites choses ne pouvaient pas être citées à des enfants, ce serait bien trop indécent. Enfin, pour en revenir à la blondinette étalée sur son lit, prenant le plus de place possible malgré sa fine constitution, le simple fait d’ouvrir les yeux lui donnait envie de se rendormir de suite. Pourtant, elle ne pouvait pas se permettre. Elle avait des rendez-vous importants. Entendez par là, des entrevues avec des pigeons payant plutôt bien. C’était évidemment quelque qu’elle ne pouvait pas rater. Ce serait faire un gros trou dans son budget, et avare comme l’était, ce n’était pas quelque chose d’envisageable. Pour Martina, l’argent, c’était sacré. Surtout celui des autres, qu’elle se faisait un plaisir d’empocher, à coup de belles paroles vaguement mystérieuses. Et le pire dans tout cela, c’était surement qu’elle n’avait que très peu de remords. Il fallait vraiment que la personne en face d’elle lui inspire quelque chose de particulier pour qu’elle renonce ou se montre moins vile. Et pour ça, il fallait vraiment être exceptionnel. Ou faire partie de ces gens qui ne se laissaient pas avoir par ses petits tours de voyante.
Après avoir passé près de dix minutes à diverger sur divers sujets passionnants, allant de sa tenue du jour, toujours la même, ou encore ce qu’elle allait manger ce matin, la jeune femme finit par se redresser. Sa chevelure était tout emmêlée, comme à l’accoutumée. Elle devrait penser à l’attacher avant d’aller dormir, mais oubliait toujours. Grommelant tout en jetant un regard entre ses rideaux à demi-fermés, elle soupira. Il faisait moche, aujourd’hui. Heureusement qu’elle n’avait pas prévu de sortir réellement. Non, elle allait passer sa journée cloîtrée dans sa boutique, à plumer d’innocentes personnes, trop crédules pour penser user de leur cervelle ne serait-ce qu’un peu. L’idée la fit sourire, alors qu’elle quittait ses draps bien chauds, direction la salle de bain. Elle ne savait pas trop ce que faisait sa colocataire, et ne s’en souciait que peu. Chacune faisait sa vie tranquillement, malgré tout. Et c’était très bien comme cela. Poussant la porte de sa chambre, Martina soupira quelque peu. Un peu de ménage ne ferait pas de mal aux lieux, pour sûr. En soi, ce n’était pas sale, loin de là. Juste. Très bordélique. Des fringues pas rangées, en majorité. Des cartons empilés çà et là. Quelques bouteilles vides empilées dans un coin, etc. Oh, il faudrait qu’un jour, elle ait le courage de virer tout cela. Mais ce n’était pas dans sa nature d’être particulièrement à cheval sur le rangement et le ménage en général. Il n’y avait que la cuisine qui était presque nickel, quand elle n’avait pas la flemme de faire la vaisselle le soir même. En ce qui concernait sa chambre, c’était déjà plus discutable. Beaucoup de vêtements étaient entassés sur son bureau et sur le pied de son lit. C’était plus simple à retrouver ainsi, qu’elle disait. Et de toute façon, elle n’emmenait jamais personne dans sa chambre, cela faisait bien longtemps qu’elle ne voyait personne. Pas besoin de s’en soucier.
Elle traversa le couloir, pour rejoindre la salle de bain, donc elle ferma la porte, sans la verrouiller, cependant. Bah, que son amie entre ne la gênait pas plus que cela. Sans attendre plus, elle retira ses vêtements, le tout se retrouvant dans le panier à linge sale, et là voilà sous la douche, pensive. Bah, il avait fait mauvais ces derniers jours, elle n’avait pas pu vraiment sortir. Cela dit, elle allait devoir le faire tôt ou tard quelques commissions, sachant qu’elles commençaient à manquer de certaines choses. Du café, du pain, du sel et des œufs, notamment. Au pire, elle irait à l’épicerie une fois sa journée terminée, ce n’était pas tellement un problème.
Ce fut sur ces pensées que la jeune femme quitta la salle de bain, une serviette enroulée autour de son corps, l’autre en train de frotter énergiquement sa chevelure, qui allait être un désastre à démêler et coiffer. Dieu sait pourtant qu’elle adorait sa crinière dorée ! Elle regrettait que cette dernière soit si récalcitrante. Traversant à nouveau le couloir, elle se cogna le pied contre l’encadrement de porte de sa chambre, lui arrachant un grognement et un charmant juron. Bougonne tout à coup, elle ferma la porte et retira sa serviette, pour le plus grand plaisir de son voisin d’en face, qui passait son temps à sa fenêtre. L’ignorant royalement, elle enfila des sous-vêtements, un ensemble en soie et dentelle noire, ainsi que sa tenue de voyante. Rouge, noir et or. Voilà pour les couleurs. C'est court et très révélateur, pour tout dire. Pour le bas, une sorte de short/culotte très moulant et court, noir, auquel est rattaché un replis de tissu noir, formant une sorte de jupe très courte, avec une partie plus longue à l'arrière, de couleur rouge, semblable à une mini-traîne. Pour le haut, un haut et doré, très court; manches courtes et bouffant de couleur rouge, tout comme sa capuche, cette dernière ornée d'étoiles dorées. Il en va de même pour l'espèce de foulard qui recouvre sa tête, lui aussi décoré des mêmes étoiles. Oh, et n'oublions pas les mi-bas noirs ajoutés à la tenue. Somme toute, c’était un accoutrement des plus extravagantes et légère, qui à force, était devenue sa signature. D’un autre côté, étant donné qu’elle s’avérait être un réel radiateur sur pattes, porter des vêtements trop couvrants devenait quelque peu désagréable pour elle.
Ainsi vêtue, puis coiffée et vaguement maquillée, la Valaisanne quitta sa chambre, pour aller déjeuner. Des tartines à la confiture d’abricots avec du café bien noir. Aussi rapidement avalé que préparé. Il approchait 9h, et elle ne pouvait pas se permettre d’avoir du retard dans son planning. Ainsi, quittant l’appart en prévenant à haute voir Shéra, Martina emprunta l’escalier menant au rez, et alluma les lumières de la boutique. Les couleurs des lieux rappelaient sa tenue, de lourdes tentures noires et rouges, des étoiles dorées çà et là. Une table couverte d’une nappe sombre, avec diverses objets, de l’encens, une boule de cristal, es cartes de tarot, des pierres semi-précieuses, etc. Disons qu’en montant tout cela, elle n’avait pas fait les choses à moitié. Et chaque côté de la table, un fauteuil moelleux et confortable. Une musique douce et relaxante résonnait dans les lieux, tandis qu’elle ouvrait la porte, indiquant que c’était ouvert.
Il ne restait plus qu’à attendre. Et lorsque la fin de sa journée arriva, elle était plutôt satisfaite de son travail. Quatre gros clients bien crédules et aimant à la payer grassement pour ses prédictions et conseils, ainsi que quelques autres personnes. Elle s’était bien amusée, pour tout dire, et ce fut avec un air plus que satisfait peint sur le visage qu’elle finit par fermer boutique. Dehors par contre, il faisait toujours gris, la pluie ne semblait pas tellement vouloir cesser, malgré le fait qu’elle était plutôt fine. Cela avait le don d’entacher sa bonne humeur. Cela dit, en remontant chez elle, elle réalisa que ses courses allaient devoir être effectuées plus tôt que prévu. Grommelant comme à son habitude, la pseudo voyante rejoignit sa chambre, pour changer de tenue, optant pour un short en jean bien court et moulant, taille haute, associé à un débardeur blanc assez fin , laissant voir en transparence ce qu’elle portait en dessous. Remontant sa chevelure légèrement bouclée en une queue de cheval, elle passa une paire de baskets plates et basses, saisit son parapluie et de l’argent qu’elle fourra dans sa poche, pour ensuite quitter les lieux. Son amie n’était pas présente, ce soir, d’ailleurs.
C’est ainsi qu’elle avait fini par se retrouver dans la partie nord de la ville, pour faire ses emplettes. Perdue dans ses pensées, se demandant ce qu’elle pourrait préparer ce soir, autre chose lui revint en mémoire. Une conversation qu’elle avait eue avec un de ses pigeons favoris, mais aussi l’homme le plus énigmatique qu’elle connaisse. Gabriel Varga, l’homme toujours masqué mais si facilement plumé. En soit, penser à lui la fit rire doucement. Avant de repenser à ce qu’il lui avait lancé lors de leur dernière rencontre. Des cours de cuisine, hein ? L’idée l’avait amusée, quoiqu’il n’avait pas semblé sérieux. Tout en lui donnant son adresse. Surement pensait-il qu’elle ne viendrait pas. Et pourquoi pas, tiens ? La soirée se profilait de toute façon bien ennuyeuse, alors pourquoi ne pas aller le débusquer directement chez lui ? Cette pensée la fit ricaner, et c’est ainsi qu’elle entreprit de rejoindre le sud de Genève.
Prévoyante, elle avait noté son adresse sur son portable, et n’eut pas trop de mal à trouver le logement de monsieur. Il vivait dans un coin sacrément tranquille, tiens. Le chanceux. Pestant contre la pluie, qui cependant ne l’atteignait pas tellement malgré sa tenue dévoilant une grande partie de sa personne, elle pénétra dans le bâtiment, son sac de courses toujours à la main. Sixième étage. Elle n’aimait pas les ascenseurs, mais c’était hors de question de monter à pieds. Ainsi, prenant son mal en patience, ce fut d’un pas rapide qu’elle quitta la chose, pour aller sonner, après avoir vérifié le nom. C’était bien ça.
Patientant, elle se demandait bien à quoi pouvait ressembler son chez lui. Cet homme était quelque peu énigmatique, il fallait l’avouer. Chose qui plaisait fortement à la jeune femme, en toute honnêteté. Ah, il ouvrait. Le voir masqué ne l’étonna qu’à moitié, quoi qu’elle était tout de même un peu déçue. Prenant un air tout à fait innocent, elle lui rétorqua bien rapidement, sourire en coin : « T’as pas l’air content de me voir, Gaby. Je suis si indésirable que ça ? » Fausse moue boudeuse sur la fin, tandis qu’elle se demandait bien quelle expression il pouvait avoir actuellement. La suite lui fit hausser un sourcil. « Tu m’as donné toi-même ton adresse, eh. Tu disais vouloir des cours de cuisine de ma part. Et comme je n’avais rien de mieux à faire, bah je suis venue. »
Monsieur ne semblait pas prêt à la laisser entrer, ce qui lui fit pencher la tête. Les mains sur les hanches, le parapluie posé contre le mur, elle l’observa longuement, pour ensuite dire, dans un souffle : « Oh, et bonsoir quand même, hein. » Un peu e politesse, voyons. Et, lorsqu’enfin il sembla enclin à la laisser entrer, la blonde se glissa à l’intérieur, ravie. Pour ensuite être totalement… Surprise. Wha. Ça, c’était propre et rangé. Carrément nickel. Choquant, aussi. Et elle ne put s’epêcher de laisser échapper : « Tu vis réellement là ? J’veux dire… C’est carrément trop propre et bien rangé. » En même temps, vu le bordel dans lequel elle vivait. Du cheni dans tous les coins, et une panosse actuellement en congé.
Bon, une fois qu’elle fut remise de sa surprise, la demoiselle bien culottée se tourna vers le monsieur masqué, agitant le sac sous son nez, et conclu ainsi : « Donc, oui. J’espère que tu n’as pas encore soupé. Tu as quelque chose de prévu, d’ailleurs ? Histoire que je sache quoi faire pour ce petit cours privé~♥ » Léger ricanement, sourire en coin.
Eh, ça promettait d’être intéressant. Vraiment.
Martina E. de Courten
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Sujet: Re: Un dîner presque parfait | Martina Mer 12 Déc - 16:05
Gabriel haussa les sourcils sous le masque, sincèrement pris au dépourvu. Des cours de cuisine. Un instant, l’image de son ancien chef-cuisinier et responsable de stage, un certain Luigi, mi-italien mi-tessinois mais qui criait ses ordres en suisse-allemand, lui revint en mémoire. Le comparer à Martina n’était pas à son avantage, et pas uniquement parce qu’il distribuait des coups de louche à la pelle. Tu n’écoutais pas ? Coup de louche à l’arrière de la tête. Tu bavardais ? Coup de louche. Tu estimais mal le temps de cuisson ? Coup de louche. Tu confondais sel et poivre ? Coup de… non pas de louche, renvoi, à ce stade ton cas est désespéré. La formation de Gabriel n’avait duré qu’un an avant qu’il ne s’enfuie pour Genève, mais il avait déjà eu le temps d’apprécier pleinement l’accent à couper au couteau du cuistot tyrannique. Il scruta quelques instants la jeune femme qui entrait dans son appartement en jetant des coups d’œil partout. En règle générale, un intérieur reflétait bien la personne qui l’habitait. Gabriel n’était pas drôle sur ce point-là. C’était tellement bien rangé qu’on se demandait s’il avait quelque chose à cacher. Car tout le monde avait quelque chose à cacher, n’est-ce pas ? Chez Gabriel Varga, il n’y avait… rien. Le poisson rouge et une plante verte constituaient les seuls éléments de décoration du salon. C’était peut-être un peu triste, ces murs trop blancs, trop vides. Je n’irai pas jusqu’à dire qu’ils reflétaient l’intérieur de Gabriel et que sa tête sonnait creuse, ce serait trop facile. En tout cas, on pouvait au moins affirmer une chose en le voyant, c'est qu’il faisait régulièrement le ménage. Même si la panosse était planquée, bien rangée dans une armoire.
« D’accord, bonsoir » répéta-t-il en fermant la porte derrière l'invitée.
Il se sentait un peu stupide d’être pris au dépourvu comme ça, mais pour sa défense, il n’avait pas reçu d’amis à souper depuis euh. longtemps. Il était bien trop occupé avec ses deux jobs, même si imaginer Abel, Aurora, Adam et Jesper assis dans son salon minuscule le faisait sourire. Il faudrait qu’il leur propose, une fois. « Hey les gens, j’ai des cacahuètes, des bières et des curlys, soirée Monopoly chez moi ! » Mais La remarque de Martina effaça quelque peu son expression amusée. Il n’était pas vexé, juste... gêné que ça se voit autant.
« Faut croire que j’ai plus de temps libre que je l’aurais cru. »
Il se rappela ce qu’il savait sur son intérieur à elle, et ajouta sur un tout autre ton :
« Je viendrai nettoyer chez toi un jour, si tu veux. »
Non c'est faux, il n'avait pas un gros sourire pervers collé derrière le masque. N'allez pas vous imaginer des choses. En plus, la proposition se tenait ! Il se sentait tout à fait incapable de poser un pied dans l’appartement qu’elle partageait avec sa colocataire, mais un balai entre les mains, c’était différent. Voir du cheni* lui donnait d’incontrôlables pulsions ménagères. Trop maniaque, le Gaby. Il attendit que Martina prenne les devants, parce qu’on sait tous que les gens perfectionnistes aiment que tout soit à leur place et détestent, en général, les imprévus. Dans le cas de Gabriel, ledit imprévu le gênait un peu, c’est vrai, mais pas pour les raisons qu’on aurait pu croire :
« Ben... je voulais me faire des pâtes carbo mais j’ai plus de sel. Qu’est-ce que tu as apporté ? »
Il se tourna vers le plan de travail laissé en… bah, en plan quoi, la casserole remplie d’eau inutile, et le paquet de pâtes à moitié ouvert. Pas de sel. Le chef-cuisinier italo-tessinois aurait hurlé au scandale. Gabriel contourna Martina pour ouvrir le frigo, plein lui. Il adopta la même expression que Martina pour répondre, sauf que ça se voyait moins chez lui, forcément.
« Une idée chef ? »
Gabriel se rappelait qu’il avait un deuxième tablier quelque part. Il fouilla dans un tiroir, mais pas longtemps. Il était là, bien plié, bien rangé et bien lavé, comme tout ce qui se trouvait dans cet appart’, en fait. Il le donna à Martina en se disant qu’il avait toujours pensé que ça pouvait être utile, au cas où il brûlait le premier, par exemple. Les cours privés, par contre, ça ne lui avait jamais traversé l’esprit. Dans tes dents, Luigi. .................................... * C H E N I : n.m. (Suisse) Savoie (Franche-Comté) Désordre, confusion.
Gabriel Varga
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Sujet: Re: Un dîner presque parfait | Martina Jeu 13 Déc - 19:39
Un dîner presque parfait.
Cet appartement était…Vide. Enfin, il était meublé mais il ne se dégageait absolument aucune chaleur, aucune vie. C’était si propre, si blanc que c’en était presque déroutant. Du point de vue de Martina, c’était absolument invivable. Non, elle était trop habituée à son propre appartement, ressemblant continuellement à un champ de bataille, un terrain dévasté. En soi, un lieu bien rangé était bien plus pratique et présentable que son lieu de vie totalement bordélique, seulement, elle était bien trop bornée pour admettre une telle chose, pour sûr. C’est ainsi qu’elle parcouru longuement les lieux des yeux, notant la présence d’un poisson rouge. Ses mirettes parme restèrent fixées sur le bocal de ce dernier, un vague sourire aux lèvres. Se demandant s’il parlait au petite poisson qui y tournait en rond, comme certains le fond avec leurs chiens ou chats. L’imaginer lui arracha un court rire qu’elle réprima bien vite, pour se reconcentrer sur monsieur. Oh, c’était vilain de se moquer ainsi, qui plus est. Le monsieur en question, d’ailleurs, ne semblait pas tout à fait ravi de la voir. Enfin, elle le supposait au ton de sa voix et ses paroles, ne pouvant aucunement se fier à son visage, encore et toujours dissimulé derrière son masque. Voilà bien une des plus grandes énigmes face à laquelle elle s’était retrouvée dernièrement. A quoi pouvait donc bien ressembler son visage. Elle se posait la question à chaque fois qu’elle le croisait, se demandant ce qui poussait également à le dissimuler. Des cicatrices, brûlures ? Un visage immonde ? Qui sait. C’était ce qui semblait le plus évident. A moins qu’il ne soit un grand tueur en série très recherché. C’était plausible. Et d’un autre côté, pas vraiment. Après tout, si c’était le cas, ne se serait-il pas déjà vengé de toutes ses arnaques ? Non, ce ne pouvait pas être cela.
Lorsqu’il parla à nouveau, la petite blonde tourna la tête vers lui, l’observant quelques instants. Il fallait croire, oui. Pourtant, on avait toujours mieux à faire que perdre son temps à faire le ménage, non ? Mais peut-être n’avait-il pas d’amis. Ou qu’il ne sortait pas. Tellement de possibilités. Ses tergiversations à propos de sa vie sociale prirent finit lorsqu’il lui fit une certaine proposition. Affichant un sourire en coin, il ne lui fallut pas plus de réflexion pour lui lancer quelques mots : « Bonne chance et bon courage, eh. Quoi que je ne serais pas contre avoir un larbin pour faire mon ménage. » Léger ricanement. « Avec un tablier à froufrous et tout. Tellement glamour. » Elle ricana encore un peu, pour ensuite, reprendre un semblant de sérieux. Ce n’était pas pour se payer sa tête qu’elle était venue, mais plutôt pour occuper sa soirée à quelque chose de plus intéressant que manger toute seule devant la télé. Quant à ce qu’il prévoyait de préparer ce soir… Oh, très intéressant. En plus de ça, cela faisait un moment qu’elle n’en avait plus mangé. Ainsi, affichant un air ravi, encore silencieuse pour le moment, elle se dirigea avec lui vers la cuisine. Pour ensuite sortir de son sac de courses, d’un air triomphale, un paquet de sel : « Je crois que j’ai ce qu’il faut pour sauver ton plat. » Sans plus attendre, elle posa le tout sur un coin du plan de travail, pensive.
Elle s’apprêtait à l’interroger pour savoir s’il avait tout ce qu’il fallait pour continuer, mais se tut lorsqu’il lui tendit un tablier. Il la prenait au sérieux, tiens. Souriant quelque peu, elle le remercia, pour ensuite l’enfiler et le nouer, resserrant ensuite sa queue de cheval, pour ne pas être embêtée. « Bon, maintenant que le sel est là. T’as tout ce qu’il te faut, j’espère ? J’avais rien de prévu, donc partons pour des pâtes carbo ! » Elle entendait par là, évidemment, le parmesan, les dés de lard, les œufs, surtout.
Pensive quelques instants, elle finit par mettre les poings sur les hanches, prenant un air quelque peu autoritaire, lui lançant, totalement dans son rôle de chef. Eh oui, il avait flatté son égo avec un peu trop de conviction, il allait devoir en assumer les conséquences ! « Alors, tu vas me sortir tout le nécessaire et le disposer tout le nécessaire sur le plan de travail dans l’ordre de nécessité. Pour cette fois-ci, tu vas me montrer comment tu t’y prends. » Un léger soupire. « Lave-toi les mains et n’oublie pas de remonter tes manches. » Oh, quand elle voulait, elle était capable de se montrer très sérieuse et professionnelle. C’était vraiment dommage qu’elle n’ait pu saisir l’opportunité qu’on lui avait offerte par le passé. « Du genre, tout de suite. » Aucune patience.
Et, pour se montrer un peu plus convaincante encore, il fallait bien vu sa taille, elle saisit une cuillère en bois, le pointant avec. « Hop hop hop, au travail ! La cuisine n’attend pas ! » Et son estomac non plus, tiens.